Décès d’Henry Ricalens (promo 1954)


Publié le 1{st} juillet 2015 dans "" | Rédigé par le bureau

Photo Florian Moutafian/La Voix du Midi Lauragais
Photo Florian Moutafian/La Voix du Midi Lauragais

Henry Ricalens, ici en 2012, a publié plusieurs ouvrages, notamment sur une famille de marchands et bourgeois de Castelnaudary.

Henry Ricalens (promo 1954), qui avait cofondé l’association des diplômés de Sciences Po Toulouse, est décédé le 8 juin dernier. L’association des diplômés adresse ses sincères condoléances à sa famille et à ses proches et publie ci-dessous deux hommages écrits respectivement par André Cabanis (promo 1967, directeur de Sciences Po Toulouse de 1980 à 1995) et par Mickaël Nauleau (promo 1996, ancien membre du bureau de l’Association des diplômés).

Henry Ricalens est mort le 8 juin 2015. Il était diplômé de l’Institut d’études politiques de Toulouse (promotion 1954). Lorsque l’on se remémore les rapports qu’il n’a jamais cessé d’entretenir avec l’institution qui l’avait formé, c’est le mot fidélité qui vient, presque de lui-même, à l’esprit. Il y a là une valeur qui a d’ailleurs marqué toute sa vie : fidélité à ses convictions de jeune étudiant, faites d’exigences et d’attachement à des principes fermement implantés, fidélité à son métier de professeur d’économie, attaché à ses élèves et aux établissements d’enseignement qui l’ont vu officier, fidélité à ses amis et à tous ceux qui lui étaient chers, au-delà des déceptions et des éloignements que la vie prodigue à tous.

Il fut parfaitement à l’aise dans cet IEP du milieu du XXe siècle, peuplé d’étudiants aussi jeunes que l’établissement qui les accueillait, convaincus des valeurs de l’esprit, puisant leur optimisme dans la tranquille certitude qu’ils étaient maîtres de leur destin, ce qui était sans doute vrai à l’époque. Au cours de ma carrière, j’ai rencontré, un peu partout dans le monde et dans tous les milieux professionnels, des diplômés de Toulouse. Parmi ceux de sa génération, tous gardent un vif souvenir de ce condisciple à l’esprit incisif, original jusqu’à la provocation, d’une érudition sans faille à laquelle il faisait volontiers appel pour de vastes synthèses. Ils parlent de son goût pour l’archéologie, considérée comme une pratique, pas seulement fondée sur une connaissance puisée dans les livres. Ils évoquent son rôle au sein de l’Amicale des étudiants de l’IEP, à l’époque la seule association spécifique à l’établissement, espace de rivalités entre les divers courants politiques du moment, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Il a représenté l’IEP de Toulouse à plusieurs réunions de ces Amicales venues de toute la France. Il se souvenait avec orgueil d’avoir été traité avec égalité par ses homologues parisiens…

Sa fidélité à Science Po ne s’est pas démentie par la suite. Documentaliste puis professeur dans plusieurs lycées autour de Toulouse, il a systématiquement orienté ses élèves parmi les meilleurs vers l’Institut auquel il restait attaché et où il avait gardé des amitiés. Il continuait de les suivre et de les conseiller après qu’ils aient rejoint l’enseignement supérieur. Par leur intermédiaire, il restait en contact avec les jeunes générations et maintenait, au sein de l’Association des anciens élèves, un mélange des générations si rarement réussi ailleurs, regroupant les plus anciens dont il faisait partie et les plus jeunes qui se considéraient un peu comme ses disciples.

Pendant quarante ans, il a tenu à bout de bras la Revue des sciences politiques qui, fondée en 1960, a disparu quand il l’a laissée, en 2010 donc après cinquante années d’existence et 87 numéros parus. Elle a connu une interruption en 1971 et il l’a ressuscitée en 1979. A partir de là, il l’a fait sortir avec une régularité parfaite, attirant des signatures illustres qu’il séduisait par un enthousiasme jamais découragé, utilisée par les professeurs de la maison qui y distillaient leurs humeurs et ce à quoi ils étaient trop attachés pour oser le publier ailleurs, récupérant les écrits des étudiants confirmés, des résumés de mémoires de troisième année, leurs premières publications scientifiques. Il en est plus d’un, actuellement professeur de l’enseignement supérieur qui se souvient que la Revue leur a mis le pied à l’étrier, notamment le signataire de ces lignes.

Amoureux de l’écriture, d’une érudition active, il a publié plusieurs livres. D’abord un roman, Au-delà de la fuite, paru en 1976, au style précieux et qui trahit le jeune homme qu’il était alors. Plusieurs ouvrages d’histoire locale, sortis aux Presses de l’IEP de Toulouse : Moissac du début du règne de Louis XIII à la fin de l’Ancien Régime (1994), Castelnaudary au temps de Catherine de Médicis (1999), Les gens de métier de la vie quotidienne du Lauragais sous l’Ancien Régime (2007), La peste en Lauragais (2010). Ces livres, bien accueillis par les historiens régionaux, se situent dans la tradition de l’école des Annales, fondés sur des dépouillements minutieux et un important travail effectué dans les archives. Vers la fin de sa vie, il s’était tourné vers la philosophie et la théologie, cherchant dans les religions d’occident et d’orient, les réponses à ses questions fondamentales. Il craignait de n’avoir pas le temps de publier ses réflexions. Elles sont sorties en 2012, sous le titre Par-delà le mythe, avec un titre fermant le cercle par rapport à son roman mais rédigé sous un tout autre ton. Son fils qui m’a appelé pour m’annoncer son décès, m’a dit que, conscient de partir, calme, il manifestait de l’intérêt à la perspective de bientôt savoir comment s’effectue le passage d’un monde à l’autre. Il n’y a aucune raison de douter que ce soit pour lui le début d’un nouveau voyage.

André Cabanis (promo 1967, directeur de Sciences Po Toulouse de 1980 à 1995)

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès d’Henry Ricalens, fondateur et président d’honneur de l’Association des diplômés de Sciences Po Toulouse. Il avait 82 ans. De mon passage au bureau de l’association, entre 2003 et 2006, je garde le souvenir d’un homme cultivé, affable et très impliqué dans ses mandats associatifs. À l’heure de sa disparition, je me remémore nos conversations, lors de mes passages à Toulouse, pendant ces dîners où il aimait à s’interroger sur le devenir de notre société. Historien de formation, retraité de l’Éducation nationale, il suivait en effet toujours avec grand intérêt les débats économiques et sociaux contemporains.

Il avait toujours eu à cœur de promouvoir notre Ecole qu’il avait fréquentée dans les premières années de sa création et dont il était sorti diplômé en 1954. Je sais, depuis son retrait de la vie active, qu’il souhaitait voir l’association se redynamiser et fédérer la grande communauté des diplômés. Ces dernières années auront exaucé son vœu. C’est sûrement le plus bel hommage qui pouvait lui être rendu.

Mickaël Nauleau (promo 1996, ancien membre du bureau de l’Association des diplômés)

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