Claude Lacaze : le producteur de télévision à l’approche artisanale
Publié le 30{th} avril 2015 dans "" | Rédigé par Baptiste Cordier
La tournée des Popotes sur France 5, Tous les couples sont permis sur M6, WOUF : Quel chien sera à la hauteur ? sur NRJ 12 : voici quelques uns des programmes conçus par Claude Lacaze. Ce diplômé de Sciences Po est producteur de télévision, à la tête de sa propre société depuis deux ans.
Forcément, ses parents ont été surpris. Leur fils qui préparait le concours de la magistrature a tout plaqué du jour au lendemain pour se lancer dans la télévision. Diplômé de Sciences Po Toulouse en 1999, Claude Lacaze étudiait à l’Institut d’études judiciaires jusqu’à cette rupture radicale à un mois du concours. « J’avais 21 ans et je n’arrivais pas à aimer la carrière et la vie toute tracées qui m’attendaient, explique-t-il aujourd’hui. J’ai eu envie d’écouter mes envies profondes, alors que j’avais toujours rêvé de travailler dans le monde de la télévision. »
Parcours
• Octobre 1978 : Naissance à Biarritz (Pyrénées- Atlantiques)
• 1995-1999 : Études à Sciences Po Toulouse, suivi d’un DESS de Droit audiovisuel à la Sorbonne
• 2001 : Chargé de développement au sein du groupe Endemol France
• 2006-2009 : Directeur de l’innovation à France Télévisions
• Mars 2013 : Création de sa société de production Terminal 9 Studios
Trois stages vont lui permettre de découvrir cet univers : le premier à Seasons, une chaîne du groupe Canal+ spécialisée sur les thématiques de la chasse et la pêche, le deuxième sur l’émission de témoignages C’est mon choix, très suivie sur France 3 quoique souvent critiquée pour son sensationnalisme, le dernier à New York aux International Emmy Awards, récompenses de la télévision américaine. Il poursuit aussi ses études avec un DESS de droit audiovisuel à la Sorbonne.
En 2002, il rejoint le groupe Endemol, qui vient alors de produire Loft Story, la première émission de téléréalité en France. De quoi se faire une place de choix parmi les sociétés de production, ces sous-traitants qui fabriquent une bonne partie des émissions diffusés sur les chaînes de télévision. Claude Lacaze est chargé d’imaginer des concepts d’émissions à proposer aux chaînes. « C’est en regardant L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch que j’ai pensé à Nice People », se souvient-t-il. L’émission sera diffusée en 2003 sur TF1 avec des candidats venus de différents pays européens.
En 2006, il passe du côté des diffuseurs. Il devient directeur de l’innovation de France Télévisions, qui regroupe les chaînes publiques dont France 2 et France 3. « J’étais notamment chargé de présélectionner des projets pour Patrice Duhamel, le directeur général des antennes, précise Claude Lacaze. Je recevais des producteurs venus proposer des émissions. L’expérience a été intéressante pour comprendre le travail et les contraintes des chaînes, pour la veille sur les nouveaux concepts et le réseau. Mais comme je n’avais pas le carnet de chèques, ce n’est pas moi qui décidait de mettre ou non une émission à l’antenne, alors j’ai eu envie de revenir sur le terrain. »
En 2009, il retrouve donc Endemol, d’abord comme directeur des programmes pour les chaînes de la TNT puis directeur général adjoint chargé de la création et du développement international. À nouveau, il est chargé de créer, développer puis vendre des projets d’émissions aux chaînes de télévision. « Travailler à Endemol m’a permis de mettre en place des émissions importantes en termes de budget et de logistique, de “gros barnums”, comme les jeux Money Drop ou Les Douze Coups de midi ou l’émission de téléréalité Secret Story. »
Insuffler un supplément d’âme à un programme
Il y a deux ans, il décide de créer sa propre société de production. « Je l’ai baptisée Terminal 9 Studios, précise-t-il, car j’aime les terminaux d’aéroport, je m’y sens libre au milieu de toutes ces personnes venues de tant d’univers différents… J’ai voulu constituer ce que j’appelle un hub créatif, avec le numéro 9 qui est mon chiffre porte-bonheur. »
« Un métier où tout peut rapidement être remis en cause »
Le rôle de producteur de télévision se décompose en trois étapes : vendre un programme à une chaîne, puis le fabriquer avant le verdict de l’audience, le facteur le plus déterminant pour savoir si l’émission sera ou non renouvelée. « Un bon programme n’est pas forcément couronné de succès, reconnaît Claude Lacaze. Dans notre métier, tout est très commenté et tout peut rapidement être remis en cause. » Un contexte qui explique selon lui le manque de créativité souvent reprochée à la télévision française. « Les chaînes se sentent rassurées en programmant des déclinaisons d’émissions qui fonctionnent déjà à l’étranger. Elles ont peur de l’échec car maintenir leur audience est essentiel pour maintenir leurs revenus grâce à la publicité. »
Après toutes ces années chez Endemol, devenu une mastodonte de la production télévisée en France, Claude Lacaze revendique une approche plus artisanale. « Je peux maintenant produire des émissions dont je suis particulièrement fier puisque je les imagine moi-même. J’essaye d’y insuffler un supplément d’âme. » Il cite en exemple La Tournée des popotes diffusée sur France 5, une émission qui fait découvrir les recettes et produits culinaires d’un pays. « Pour moi, une émission ne doit pas être un produit comme un autre, ajoute-t-il. Je veux raconter aux téléspectateurs une histoire. Pour cela, il faut toujours se demander pourquoi nous voulons la raconter et comment s’y prendre. »
Quelle est l’émission qu’il a préféré produire ? « Impossible de choisir entre mes bébés !, jure-t-il. Mais je suis fier de m’être diversifié à la fois en termes de clients et en termes de genres… En deux ans, j’ai fabriqué huit programmes, du documentaire, au magazine en passant par du divertissement et de la captation de concerts, pour sept chaînes différentes. Je me sens aussi légitime pour travailler avec NRJ 12 qu’avec Arte. »
Cette culture généraliste, il raconte l’avoir apprise à Sciences Po Toulouse. « En tant que producteur, je navigue toute la journée d’une problématique à l’autre : conception, logistique, comptabilité, juridique, etc. C’est aussi à Sciences Po que j’ai pu pour la première fois m’ouvrir à un éventail de profils différents. Être curieux de tout, des parcours de chacun, c’est important pour l’inspiration d’un producteur. »
Cette formation à Sciences Po, Claude Lacaze l’apprécie aussi comme chef d’entreprise : trois diplômés des IEP, dont une passée par Toulouse, travaillent aujourd’hui à ses côtés.
Il a gardé contact avec d’anciens camarades de promotion. L’un travaille par exemple dans de grands hôtels, un autre dans une société de vêtements spécialisée. Aucun n’est devenu magistrat.