Jean-Louis Nadal : l’ancien magistrat veut bâtir le temple de la vertu républicaine


Publié le 26{th} mai 2014 dans "" | Rédigé par Baptiste Cordier

Photo leparisien.fr
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C’est le président de la République François Hollande qui a nommé Jean-Louis Nadal à la tête de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Après l’affaire Cahuzac, c’est un diplômé de Sciences Po Toulouse qui surveille la probité des responsables publics. À 72 ans et après une longue carrière dans la magistrature, Jean-Louis Nadal préside depuis six mois la toute nouvelle Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Ses locaux ne sont encore que provisoires mais la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique fait déjà parler d’elle. La HATVP s’intéresse en ce moment au dossier d’Aquilino Morelle, ex-conseiller politique de François Hollande, accusé de conflit d’intérêts lors de son passage à l’Inspection générale des affaires sociales. Elle a déjà épinglé Yamina Benguigui, ex-ministre, pour avoir sous-estimé son patrimoine.

Parcours
• Février 1942 : Naissance à Sousse (Protectorat français de Tunisie)
• 1960-1962 : Études à Sciences Po Toulouse après une licence en droit, suivies de l’École nationale de la magistrature
• 1970 : Devient magistrat
• Octobre 2004-Juin 2011 : Procureur général près la Cour de cassation
• Décembre 2013 : Nommé président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)

Créée l’année dernière après l’affaire Cahuzac et les mensonges de l’ancien ministre du budget, cette autorité administrative indépendante vérifie les déclarations de patrimoine et déclarations d’intérêts des principaux responsables publics, du Premier ministre aux adjoints au maire des grandes villes en passant par les hauts fonctionnaires. Elle a également une mission de conseil en matière de déontologie. « Nous sommes en train de bâtir un temple de la vertu républicaine, assure Jean-Louis Nadal, son président, un ancien magistrat diplômé de Sciences Po Toulouse (promotion 1962). Les responsables publics doivent avoir un comportement exemplaire. Dès qu’il y a un doute sur la sincérité, l’exhaustivité ou l’exactitude d’une déclaration, nous devons dissiper au plus vite ces zones grises. »

Un magistrat qui a critiqué le pouvoir politique

Auparavant, il existait seulement une commission qui enregistrait les déclarations sans pouvoir mener d’investigations approfondies. « Nous, nous pouvons non seulement vérifier les déclarations, souligne Jean-Louis Nadal, mais aussi nous auto-saisir en cas de dissimulation ou de conflits d’intérêt. » Dans ce cas, une procédure contradictoire est ouverte sous l’autorité d’un rapporteur indépendant. « Pour être inattaquable, notre action doit être d’une impartialité sans faille, précise le président. Tous les dossiers sont traités de la même façon, quel que soit le bord politique de la personnalité. La justice ne doit jamais vaciller sur ses valeurs. »

8 000 dossiers à vérifier
Membres du gouvernement, parlementaires, principaux élus locaux, membres des cabinets ministériels et collaborateurs du président de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat, hauts fonctionnaires, dirigeants des entreprises publiques : environ 8 000 personnes sont suivies par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. « Leurs déclarations de patrimoine et leurs déclarations d’intérêt restent pour la plupart confidentielles mais certaines sont rendues publiques comme celles des ministres dans quelques jours, détaille Jean-Louis Nadal. Bien sûr, toutes ces déclarations sont vérifiées par la HATVP. C’est un travail exigeant, long et collectif. » L’institution peut compter sur un collège de hauts fonctionnaires ede magistrats du Conseil d’État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, aidé d’une équipe de juristes et de spécialistes de la fiscalité.

Cette haute idée de la justice a animé toute la carrière de Jean-Louis Nadal. Auditeur de justice en 1965, substitut du procureur à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) dès 1970, il est très vite repéré pour ses talents d’orateur. Procureur à Créteil, à Bastia, Lyon ou encore Aix-en-Provence, il sera aussi conseiller de Robert Badinter au ministère de la Justice. Une autre personnalité l’a marqué : Pierre Truche avec lequel il a réformé la formation des magistrats. En 2004, il achève sa carrière avec le poste prestigieux de procureur général près la Cour de cassation. Pour défendre l’indépendance des juges, il n’hésitera pas à ferrailler avec le pouvoir politique. « Prenons garde à l’instrumentalisation de la justice ! » a-t-il lancé en 2011 quand Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, remettait en cause la condamnation de policiers. « Ne pas respecter les juges est gravissime, estime-t-il aujourd’hui. Les magistrats font le maximum pour rendre une justice la moins contestable possible. On peut être choqué par une décision de justice mais dans un État de droit, il existe des voies de recours à utiliser. »

Fils d’instituteurs, Jean-Louis Nadal se définit comme « un enfant de la République ». Né en Tunisie (alors protectorat français), il raconte « avoir appris la modestie » en grandissant dans cette société multiculturelle. Quant à Carcassonne (Aude) où s’installe ensuite sa famille, il en a gardé un bel accent et une passion pour le rugby. « Mais pourquoi le Castres Olympique fait-il de l’ombre au Stade toulousain ? », se lamente-t-il en cette fin de saison.

De ses études à Toulouse, il se souvient d’une formation avec des juristes de haut niveau. « À Sciences Po, j’ai appris à construire une copie de culture générale. Pour moi, ça a été une ouverture concrète après des années de droit. »

Plutôt marqué à gauche, il a soutenu Martine Aubry lors de la primaire socialiste en 2011. Mais il a toujours refusé de s’engager en politique. « Le fonctionnement de nos institutions ne permet pas aujourd’hui le rassemblement de toutes les qualités, déplore-t-il. J’aurais sous doute souffert en politique. » À défaut d’entrer lui-même dans l’arène, le voici aujourd’hui devenu un observateur attentif de la probité des responsables publics.

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